Nous avons visité Toulouse... avec un guide
Samedi 25 mai 2013, nous avons visité Toulouse guidés par Monsieur Labouysse…
C’est sous une chaleur accablante (12°C) que nous nous sommes retrouvés dans un restaurant tenu par le fils de notre ami Louis, Le Beaucoup (9 Place du Pont Neuf).
Nous avons été chaleureusement accueillis et avons partagé des agapes dignes de bons occitans sans, cependant, forcer sur la « dive bouteille ».
Les besoins du corps étant satisfaits, nous avons pu ensuite nous abreuver à une source, non matérielle, mais toute aussi indispensable à une vie saine et équilibrée : celle de la « connaissance et de la culture », grâce à notre éminent guide, Monsieur Labouysse, grand connaisseur de l’histoire de Toulouse qui nous propose une découverte, ou redécouverte de sites de la ville rose.
Nous commençons par la visite de l’hôtel Jean de Boisson (XVe siècle) qui abrite aujourd’hui « L’Ostal d’Occitania », siège de Convergéncia Occitana regroupant 70 associations autour de la culture occitane.
Après avoir gravi les marches de la tour, nous avons pu prendre conscience qu’à cette hauteur le vent d’autan est loin d’être virtuel. Nous avons pu admirer les toits de Toulouse et surtout les nombreuses tours qui ornent les hôtels construits à la Renaissance par les riches négociants du pastel. Paradis terrestre, terre de paresse et de jeu, le pays de Cocagne en a fait rêver plus d’un. Il doit son existence au bleu, celui tiré du pastel. Cultivé sur les territoires du Lauragais et de l’Albigeois, cet « or bleu » très à la mode à la Renaissance fit la fortune des marchands pasteliers. Le pastel (Isatis Tinctoria) est une crucifère bisannuelle dont les feuilles donnent un bleu exceptionnel (alors que la fleur est jaune). Les feuilles de pastel écrasées sous des meules produisaient une pulpe verdâtre qui servait à confectionner les cocagnes (pelotes rondes) ensuite travaillées pendant 4 mois, pour aboutir au produit fini, l’agranat. L’indigo américain (déjà eux) mettra fin à cette épopée du pastel et les difficultés économiques jointes aux guerres de religion affaibliront la cité.
En passant, nous rentrons dans l'Hôtel d'Assézat, hôtel particulier élevé en 1555 - 1557 sur les plans de Nicolas Bachelier, le plus grand architecte toulousain de la Renaissance. Derrière un monumental portail en bois se cache une cour intérieure rénovée en 1993. Façade classique de brique et de pierre avec une superposition des trois ordres antiques (un par étage) : dorique, ionique, corinthien. Il abrite le musée de la Fondation Bemberg qui présente une collection d'art, notamment de peinture, du XVe au début du XXe siècle. L'hôtel d'Assézat héberge l'Union des Académies et des Sociétés savantes qui se compose de six compagnies :
- l'Académie des Jeux floraux : elle a été fondée en 1323 par sept troubadours dans le but de perpétuer à Toulouse le lyrisme courtois. Depuis leur fondation, les jeux floraux sont célébrés chaque année le 3 mai. Cette académie est considérée comme la plus ancienne société littéraire du monde occidental ;
- la Société archéologique du Midi de la France : elle étudie les monuments du Midi de la France ;
- l'Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse : fondée en 1640, elle a l'insigne privilège d'être l'aînée de son éminente sœur parisienne, née seulement en 1666. L'Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse s'est forgé un renom national et international au travers de l'action de ses membres, dans les domaines de la conservation, de l'enrichissement et de la diffusion du savoir ;
- la Société de médecine, de chirurgie et de pharmacie ;
- la Société de géographie ;
- l'Académie de législation.
Ensuite, à l’abri de nos parapluies, nous nous dirigeons vers la place Esquirol, au coin de la rue de Metz et de la rue des Changes. Notre guide préféré nous explique que sous l’époque romaine, quand Toulouse s’appelait « Palladia Tolosa, l’Athènes de l’Occident », se tenait à cet endroit le Forum. Le Forum de Tolosa était immense, deux fois et demie environ la surface de la place du Capitole. Le Forum était la place centrale de la ville, au croisement des deux rues principales dans l'Antiquité : le cardo, axe orienté Nord-Sud (dont le tracé est aujourd'hui repris par les rues du Taur, Saint-Rome, des Filatiers et Pharaon) et le decumanus, axe orienté Est-Ouest (dont le tracé est aujourd'hui repris par la rue de Metz). Au centre du Forum trônait un temple, l'un des plus vastes de la Gaule romaine. Il est possible que ce temple de 27 mètres de largeur soit le temple capitolin de Tolosa (temple dédié à la triade capitoline : Jupiter, Junon et Minerve). Mais aucune preuve archéologique suffisante n'a permis de valider ou de rejeter cette hypothèse. La construction des monuments du forum atteste d'un enrichissement considérable de Tolosa de l'an 50 à l'an 250 environ. On a mis à jour les restes de ce Forum antique lors des travaux réalisés en 1992 sur la place Esquirol pour la construction d'un parc de stationnement souterrain. Au début du Ve siècle, les Wisigoths déjà romanisés, font de Tolosa la capitale d’un immense royaume indépendant de Rome qui s’étendra de la Loire à Gibraltar. Alaric II publie en 506 la « Loi romaine des Wisigoths », connue sous le nom de « Bréviaire d’Alaric ». C’est un condensé du droit romain administratif, financier et pénal qui servira de base au droit écrit des pays occitans au Moyen Âge et même à celui de l’Europe actuelle. Un grand palais est construit entre le rempart et la Garonne, à l’emplacement de l’ancien Hôpital Larrey. Il restera une des œuvres d’art de cette période avec ses trois séries d’arcades superposées, colonnes de marbre, d’immenses mosaïques dorées qui donneront son surnom à l’édifice : « la Daurada ». Malheureusement il ne reste rien des vestiges de ce palais Wisigoth. En 1988, des promoteurs ont tout rasé pour construire un immeuble de rapport (plus rentable qu’un site archéologique !).
Puis nous empruntons la rue des Changes où nous pouvons, par chance, admirer dans une petite cour intérieure, un magnifique escalier en bois datant de la Renaissance. Dans la continuité se trouve la rue Saint Rome dans laquelle, au Moyen Âge, se trouvait une poissonnerie… jusqu’à ce que les habitants du quartier aient réussi à la faire déménager ; il parait qu’il y avait des odeurs !
Puis nous arrivons sur la place du Capitole, en travaux, plus grande place d’hôtel de ville de France. Vous pouvez la visualiser en allant sur http://visites-virtuelles.showaround.fr/france-360/visite-virtuelle-toulouse-place-capitole.htm.
Elle mesure 12 000 m² et ne contient aucune construction. Sur le sol on peut voir une croix occitane fabriquée par la société toulousaine « l’Atelier des Graves ». L'histoire de cet édifice commence en 1190 lorsque les consuls de Toulouse recherchent un bâtiment pour héberger la maison commune. Dès le XIIe siècle, ils ont l’ambition de construire une cité administrative entourée par des remparts. Mais ce n'est qu'au XVIIe siècle que le palais que nous connaissons aujourd'hui est construit par les capitouls. Le nom de cette maison commune fait référence à l'antique Capitole, temple légendaire dédié à Jupiter, et pourvu d'un grand escalier. Il rappelle surtout les magistrats qui l'ont fait édifier, puisqu'en latin, Chapitre se dit Capitulum.
L'emplacement n'est pas choisi au hasard. Il est situé loin du château comtal à la limite de la cité et du bourg de Saint-Sernin contre une tour désaffectée de l'ancien rempart gallo-romain. Les capitouls font l'acquisition de nombreux bâtiments et terrains autour de la maison commune afin de regrouper les services administratifs, les archives, la prison, les salles de réunion et de réception. Au XVe siècle, la maison commune forme un ensemble fortifié percé de portes correspondant à la superficie de l'actuelle place du Capitole et de l'actuel square Charles De Gaulle. Au XVIIe siècle, les capitouls veulent construire un palais municipal unique en France. Sa construction va durer près de deux cents ans. La façade du Capitolium a été bâtie en 1750 pendant dix ans selon les plans de Guillaume Cammas. La façade était à l'origine couverte d'un badigeon blanc. Il fut retiré en 1883 par grattage. En 1974 puis en 1987 et 1994, les façades sont rénovées par sablage ainsi que les blasons. Les huit colonnes de la façade en marbre de Caunes-Minervois symbolisent les huit premiers capitouls. En ce temps, Toulouse était divisé en huit quartiers, les « capitoulats », chacun géré par un capitoul. Au fil de l'histoire politique de la ville, la place a été nommée successivement place Royale puis place de la Liberté (sous la Révolution), place Commune, place de la Mairie, place Impériale (à partir de 1812), et enfin place du Capitole en 1848. Nous traversons la Cour Henri IV. C'est dans cette cour que le duc de Montmorency, ennemi de Richelieu, fut décapité en 1632.
Nous poursuivons la visite vers la rue du Taur. Le nom actuel de la rue du Taur fait référence au martyre de Saint Saturnin, dit Saint Sernin, premier évêque de Toulouse, mort en étant traîné par un taureau depuis le Forum (place Esquirol) jusqu’à la rue du Taur. Le taureau a été achevé à l’emplacement de l’actuelle gare Matabiau ; en occitan l’expression « Mata buòu » désigne l'endroit où l’on abattait les bœufs au Moyen Âge.
Selon la légende, l'église Notre-Dame du Taur a été édifiée à l'endroit exact où le corps de Saint Saturnin s'est détaché du taureau qui le traînait derrière lui. Cette église fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques par la liste de 1840. La façade de l’église est un grand mur de briques qui fait penser à une forteresse, et masque entièrement le reste de l'édifice. Le clocher-mur, modèle pour les clochers-murs de la région, présente des baies campanaires surmontées d'arcs en mitre et abrite un carillon de 13 cloches. La façade donnant sur la rue du Taur date des XIVe - XVIe siècles et s'inscrit dans la tradition du gothique méridional.
Notre visite nous entraine inévitablement vers la basilique Saint-Sernin (http://www.basilique-st-sernin-toulouse.fr/), la plus grande église romane… du monde ! La basilique Saint-Sernin de Toulouse est un sanctuaire bâti pour abriter les reliques de Saint Saturnin, évêque de Toulouse martyrisé en 250. Devenue l'un des plus importants centres de pèlerinage de l'Occident médiéval, elle fut desservie par une communauté canoniale, du IXe siècle jusqu'à la Révolution française. La basilique Saint-Sernin fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques par la liste de 1840. Elle est également inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO au titre des chemins de Saint Jacques de Compostelle en France depuis 1998. La construction de l'actuelle basilique a été décidée à la fin du XIe siècle car la basilique primitive était trop petite pour accueillir les chrétiens qui venaient en pèlerinage. Elle débuta par le chevet, en 1080, au-dessus de la chapelle. On peut toujours visiter aujourd'hui l'église primitive, qui fait office de crypte. Elle accueille quelques reliques sacrées. Seize ans après le début de la construction, en 1096, sur le chemin de Clermont où il s'apprête à prêcher la première croisade, le pape Urbain II consacre l'église nouvelle et célèbre sa dédicace ainsi que l'autel sculpté par Bernard Gilduin avec l'assistance des archevêques d'Albi et de Tolède notamment. Des travaux continuèrent néanmoins. L'achèvement du transept et d'une partie de la nef est effectif en 1180. En 1463, la ville de Toulouse subit un grand incendie. Après y être arrivé, le roi Louis XI (1423-1483, roi de France de 1461 jusqu’à sa mort) octroya à l'abbaye de Saint-Sernin une rente annuelle de 100 livres tournois, par ses lettres patentes, afin de soutenir sa restauration.
Ensuite, nous visitons l'église Saint-Pierre des Cuisines située rue de la Boule, à côté de la place Saint-Pierre. Elle est la plus vieille église du sud-ouest de la France. Construite sur une ancienne nécropole gallo-romaine du IVe siècle, elle est classée monument historique depuis 1977 et placée sous la responsabilité du Musée Saint‑Raymond de Toulouse. Aujourd'hui, elle abrite un auditorium de 400 places pour le conservatoire à rayonnement régional de Toulouse.
Notre guide, Monsieur Labouysse, nous parle alors du Bazacle, sorte de gué accessible à pied. Le terme vient d'ailleurs du latin vadaculum et signifie petit gué. La faible hauteur des eaux en fit un des points de passage majeur de la Garonne, du moins de l'époque romaine jusqu'au Moyen Âge, en période de basses eaux. Un port existait au Bazacle, à l'époque romaine. En 1190, avec l’autorisation du comte Raymond V de Toulouse, un barrage appelé aussi « chaussée du Bazacle » fut construit. De nouveaux moulins s'y établirent. Le financement de ce complexe ainsi que les frais d'entretien et de fonctionnement fut assuré par une association de seigneurs. Les bénéfices étaient répartis entre les actionnaires selon le nombre de parts en leur possession. Petit à petit ces parts s’échangeaient entre seigneurs sur le marché de Toulouse, leurs cours variaient en fonction du rendement des moulins. Les premiers moulins flottants s’y installèrent dès le XIIe siècle. Ils seront près de 60 au fil de l’eau remplacés ensuite par des moulins «terriens». Aux moulins céréaliers s’ajoutent bientôt des moulins pasteliers, des tanneries, des moulins à papier (l’Université n’est pas loin…) et même des moulins à poudre, puis des huileries, des amidonneries et des fabriques d’outillage, sans oublier la manufacture de tabacs. C’est alors la première zone industrielle de Toulouse.
Le Bazacle devient ainsi la plus ancienne société par actions au monde.
Du Moyen Âge au XIX siècle, les moulins du Bazacle (et ceux du château) alimentent en farine la ville, et exportent leur production. Mais la rentabilité décroît à la fin du XIXe siècle. À partir de 1888-1889, les actionnaires des moulins du Bazacle reconvertissent le lieu en centrale hydro-électrique. En 1888, la Société toulousaine d’électricité transforma le moulin en usine hydroélectrique afin de fournir de l’énergie pour l’éclairage public du centre de Toulouse. Au XXe siècle, l’usine produit de l’électricité grâce aux machines installées en 1919 et 1933. EDF devient propriétaire de la centrale en 1946.
À la fin des années 1980, le bâtiment historique accueille des expositions artistiques et culturelles. Une nouvelle passe à poissons facilite désormais la tâche aux saumons, truites de mer, aloses, lamproies et autres brochets en route vers l’amont. Dans les caves, derrière une vitre située sous le niveau de l’eau, le spectacle est appréciable pour qui sait attendre.
Alors que le soleil apparait enfin, nous terminons notre après-midi par la visite, juste en face du lycée Pierre-de-Fermat, de l’ensemble conventuel des Jacobins. Constitué d'une église dite « église des Jacobins », d'un cloître et d'un couvent, il a été construit par l'ordre des frères prêcheurs. C’est un ordre mendiant dont le premier couvent de la branche masculine a été fondé en 1215 à Toulouse par Dominique de Guzmán, futur Saint Dominique, afin de promouvoir la prédication de l'évangile et lutter contre l'hérésie cathare. Ces bâtiments entièrement faits de briques sont considérés comme des joyaux de l'art gothique languedocien en matière de construction monastique des XIIe et XIVe siècles. Les frères prêcheurs ont été appelés dominicains dès le XIIIe siècle et aussi jacobins, beaucoup plus tard, à la période moderne, en référence au grand couvent de Paris situé rue Saint-Jacques. L'église des Jacobins abrite depuis 1369 le corps de Saint Thomas d'Aquin, auquel elle est consacrée. C'est également dans ces bâtiments qu'a été établie pendant plusieurs siècles l'ancienne université de Toulouse, fer de lance de l’église et de la monarchie contre le catharisme et contre toute contestation du nouvel ordre politique et social. Au-delà du joyau architectural que représente l’ensemble des Jacobins (tout comme la Cathédrale Sainte Cécile à Albi), il ne faut pas oublier (je ne vais pas me faire des amis) le rôle d’inquisition confié aux dominicains, responsables d’une répression féroce pendant plus d’un siècle et qui démantèleront tous les réseaux de solidarité, ce qui contribua lourdement à la destruction de la civilisation occitane.
Malgré le vent, la pluie, le froid, nous avons passé un excellent moment et nous terminons la journée en ayant l’impression d’être plus… savants !
Nous remercions Monsieur Labouysse pour sa gentillesse et pour les connaissances qu’il nous a fait partager.
Ce compte-rendu a été rédigé par Bertrand Chaudon, participant enthousiaste de cette visite de la ville rose.