Ariège - Vèbre Chemins Faisant - Les Curés du village
Vèbre, En marge de l'enquête sur les prêtres
Article publié dans La Croix de l'Ariège en 1965
Nous recevons la lettre touchante d'un lecteur de 91 ans Nous Elle évoque les figures des cures successifs de Vèbre.
Nous la publions avec plaisir:
Vèbre, ce 13 janvier 1965,
Ayant lu dans « La Croix le nom de M. Jean-Paul Capdeville, cure d'Albiès et nommé curé de Vèbre en novembre 1854, je puis, en qualité de doyen des hommes de Vèbre (91 ans) vous donner quelques renseignements sur ce prêtre, dont j'ai connu toute l'existence jusqu'à sa mort, à 91 ans.
Je suis né le .5 novembre 1874. C'est lui qui m'a baptisé, et fait faire ma première communion le 15 mai 1886. J'ai, été confirmé le même jour à Vèbre par Mgr Rougerie. Je n'ai plus évidemment la mémoire de mes quarante ans, mais je peux dire un mot sur tous les curés qui se sont succédés à Vèbre.
D'abord Mr Font.
Mes parents m'en ont beaucoup parlé. Ne à Saurat, il mourut dans ma paroisses du choléra en 1854. Vèbre avait alors 500 habitants, et, en plus, ceux d'Urs, qui n'avaient pas encore d'église et faisaient partie % s la paroisse de Vèbre. Ce fléau fit soixante-dix-sept victimes à Vèbre et trente-six à Urs.
Après la 'mort de M. Font, vint M. Estèbe.
Il se dévoua pour les cholériques, les visitant tous les jours et leur donnant les derniers sacrements. On lui disait : « Vous finirez avec votre dévouement par « attraper » le mal », Il répondait : « Si, je viens à « l'attraper» , Dieu veuille que le sois la dernière victime »
Dieu l'exauça. Le mai le saisit et il mourut victime de son zèle. Ce fut la dernière victime.
Je reviens à Mr Capdeville, qui fut nommé ensuite curé de Vèbre. C'est lui qui bâtit l'église et voici comment … Le presbytère était alors au milieu du village, loin de la vieille église.
Or, il y avait, à côté de la cour, un grand champ, que le Sieur Soulié, notaire à Vèbre, avait légué à sa fille religieuse. Celle-ci en fit don à l'église, mais leS curés en avaient toute jouissance.
Mr Capdeville arrive d'Albiès, après avoir bien travaillé à l'église de cette paroisse. En arrivant à celle de Vèbre, il trouve un bâtiment vétuste, très ancien. Il n'y avait pas de route. Les lustres étaient suspendus aux poutres de la charpente
Il apprend que le Conseil municipal veut la réparer. Il va le trouver le Maire et lui dit « Plutôt que de réparer ce vieux bâtiment, il vaudrait mieux faire une église neuve. Je suis jouissant du champ de la Sœur Soulié. Je le cède pour cela».
Le Conseil municipal accepta. On se mit tout de suite au travail, et on bâtit la plus grande et la plus haute église du canton, attenant à la cour du presbytère. Ce presbytère avait une grange, un jardin près de la cour, et un champ derrière, tout d'un seul tenant. On y a ajouté maintenant un garage et l'eau à l'évier.
Une place se trouve devant l'église, plantée d'arbres tout autour.
Ce presbytère, en dehors des chemins, bien exposé au soleil l'hiver, est une des plus belles cures du département. On le doit à Mr. le curé Capdeville.
L'église, les chapelles, la sacristie, les fonts baptismaux, tout compris, coûtèrent la somme de 14.000 francs, et maintenant pour refaire la toiture. il a fallu 5,000.000.
L'église lut peinte par un peintre de talent l'italien Pedoya, dont le fils, le généra! Pedoya en retraite fut député de Pamiers. La voûte étoilée est une merveille.
Mr l'abbé Capdeville était d'une foi ardente. Bien connu dans la vallée, ses confrères venaient souvent le voir et lui demander conseil.
Il mourut à 91 ans, regrette de tous. Avant de le porter au cimetière, quatre jeunes gens, dont j'étais, prirent le cercueil sur leurs épaules et le portèrent suivi du long cortège tout le long du village. Il repose maintenant au pied de la croix à l'entrée du cimetière. Ses restes sont recouverts d'une dalle qui porte son nom et la date de sa mort. Il s'était réservé cet emplacement de son vivant.
Mr l'abbé Bompieyre lui succéda. Il créa à Vèbre une Caisse rurale et une Caisse contre la mortalité du bétail. C'était un prêtre social qui fit' du bien à Vèbre mais qui partit trop tôt, transféré à Rabat.
Il fut remplacé par M. l'abbé Rouan, vicaire de Foix. D'un tempérament entreprenant, il eut d'heureuses initiatives dans la paroisse et l'église. Mais, homme de valeur, il nous fut enlevé pour devenir successivement curé de Bélesta, doyen d'Ax-les-Thermes, archiprêtre de Mirepoix, archiprêtre de Foix, et enfin chanoine titulaire. Mgr Marceilhac lui confia (La Croix de l'Ariège ), qu'il dut abandonner à cause de son âge, après l'avoir bien dirigée et servie.
Il est mort à Saint-Girons chez son neveu archiprêtre, M. l'abbé Alexandre Rouan. Il fut enseveli dans la chapelle des chanoines au cimetière Saint-joseph de Pamiers.
C'est Mr. l'abbé Fournié, venu d'Ussat, qui le remplaça. Ce prêtre, d'une charité proverbiale, ne nous resta pas longtemps à notre .grand regret il revint arc petit séminaire, où il avait été déjà préfet de discipline.
Puis vint M. l'abbé Sentenac, qui nous resta huit ans. Il continua l'ouvre commencée par M. Rouan : la restauration intérieure de l'église, l'achat des ornements, etc... C'est que la nouvelle église n'avait hérité de l'ancienne que d: vieilles choses usées, en dehors des deux cloches qui existent encore. Sous la Révolution de 1848, les tableaux, les statues, des ornements avaient été détruits.
Nous regrettâmes M. Sentenac lorsqu'il fut envoyé dans le Couserans.
Enfin nous arriva Mr l'abbé Dhers, venant de Saint-Quirc. Il est resté vingt-deux ans parmi nous. D'une foi exemplaire, ponctuel pour son service du ministère, il a tenu le gouvernail, d'une main terme, de la paroisse et des deux annexes, Urs et Lassur. La barque n'a jamais chaviré avec lui. Il avait le désir de mourir à Vèbre et d'y être enseveli; mais, atteint de rhumatismes, montant l'autel et en descendant appuyé sur une canne, toujours prêt à tomber, il a du se retirer à la maison de Verniolle.
Il est parti les larmes aux yeux, emportant là-bas les regrets de toute la population.
Et, malgré ses rhumatismes. il est toujours debout, avec un cœur de vieux chêne, malgré ses 93 ans.
Le dernier curé de Vèbre a été M. l'abbé Tanière, le jeune vicaire de Lavelanet. Plein d'allant et de dévouement, il faisait la joie de ses paroisses, lorsque subitement. Mgr l'Évêque nous l'a enlevé pour en faire un aumônier à Pamiers et dans le diocèse.
Le presbytère est maintenant vide. C'est la première fois, de ma longue vie, que je vois le village de Vèbre sans curé.
Heureusement, Mr. le Doyen des Cabannes ne nous oublie pas. Il vient chaque dimanche lire une messe.
Voilà le chapelet de mes souvenirs. Faites-en ce que vous voudrez. Je vous offre mes sincères salutations
Jean-Baptiste Rauzy, à Vèbre
Texte recueilli par PJM
Le Castor
La nouvelle église de vèbre